Vente : la garantie d’éviction en droit belge
Notions, définitions et distinctions La garantie La garantie d’éviction est une obligation contractuelle par laquelle l’on s’engage à procurer la jouissance paisible de la chose faisant l’objet du contrat. Il s’agit également d’une garantie, comme son nom l’indique, pour la personne qui a la jouissance de la chose. En effet, les sanctions prévues par le code civil visent à protéger cette dernière. Cette obligation est d’application pour certains contrats spéciaux de notre ordre juridique belge. C’est notamment le cas du contrat de vente et du contrat de bail. Cependant, nous n’analyserons que le premier d’entre eux. De plus, la garantie d’éviction est réglée par les articles 1625 et suivants de l’ancien code civil en ce qui concerne la vente. L’éviction Cette notion renvoie à la dépossession, à l’éviction matérielle de la chose dont on avait contractuellement droit. Cependant, elle couvre également des situations comprenant des biens incorporels tel un fonds de commerce. Exemple : si A vend valablement un appartement à B et que A revendique trois mois plus tard la propriété du bien vendu, B peut invoquer la garantie d’éviction en justice puisque son vendeur devait lui garantir une jouissance paisible de cet appartement. Cet exemple ne concerne donc que le contrat de vente. Distinction entre la garantie d’éviction et la garantie des vices cachés La garantie des vices cachés est également une obligation que l’on retrouve dans certains contrats, dont la vente. Elle vise quant à elle, à procurer une jouissance utile de la chose (contrairement à la garantie d’éviction qui concerne la jouissance paisible). La jouissance utile signifie que la chose faisant l’objet du contrat doit conserver une certaine utilité voulue par le cocontractant. Si le bien est affecté par un vice et que ce vice est caché lors de la formation du contrat, la sanction réside soit dans la résolution du contrat (action rédhibitoire) ou dans la révision du prix du contrat à la baisse (action estimatoire). Nous verrons que les sanctions afférentes à la garantie d’éviction sont loin d’être les mêmes. D’où l’utilité de bien distinguer les deux institutions. Distinction entre la garantie d’éviction et la nullité de la vente d’une chose appartenant à autrui L’article 1599 du code civil institue un cas de nullité particulier lorsqu’une personne vend un bien qui ne lui appartient pas. Cette nullité de la vente d’une chose d’autrui présente des liens forts étroits avec la garantie d’éviction. En effet, l’article 1599 est parfois surnommé « action en garantie anticipée ». Pourquoi ? Car (nous le verrons), la garantie requiert que le fait donnant lieu à l’action soit consommé, ce qui n’est pas imposé pour la nullité. Par exemple : reprenons le cas de notre appartement vendu entre A et B. Si B veut agir en garantie d’éviction, il doit attendre que A ait troublé sa jouissance ou qu’un tiers l’ait fait. Même s’il a la certitude qu’il sera troublé, il ne peut agir en garantie tant que le fait générateur n’est pas survenu. Imaginons désormais que l’éviction réside dans le fait que l’appartement vendu par A ne lui appartenait en réalité pas. Il s’agit d’une forme d’éviction du fait des tiers mais également d’une vente d’une chose appartenant à autrui. Dans ce cas, B ne devra pas attendre que le véritable propriétaire de l’appartement agisse en revendication contre lui pour agir contre A. Il prendra alors soin d’agir sur base de l’article 1599 et non des articles 1625 et suivants du code. Il s’agit donc d’une action en garantie anticipée. Les catégories de garantie d’éviction Il existe deux catégories de garantie d’éviction : la garantie du fait personnel et la garantie du fait des tiers. Lorsque l’on parle de la « garantie d’éviction », cette notion recouvre automatiquement ces deux dernières. D’un côté, la garantie du fait personnel oblige la personne du cocontractant (le vendeur pour la vente) à ne pas troubler personnellement la jouissance de l’autre partie. L’exemple mentionné ci-dessus concernant la vente d’un immeuble est un cas d’application de la violation de la garantie du fait personnel du vendeur. D’un autre côté, la garantie du fait des tiers oblige le cocontractant (le vendeur) de garantir que le bien faisant l’objet du contrat est libéré de toute prétention de la part des tiers. Si un tiers au contrat venait troubler la jouissance de l’autre partie, elle pourrait invoquer la garantie du fait des tiers à certaines conditions à l’égard de son cocontractant seulement (et non le tiers). Nous expliquerons ce point plus en détail ci-dessous. La garantie du fait personnel pour le contrat de vente Lorsque le vendeur a contracté, il s’est engagé à transférer la propriété de la chose à son acheteur ainsi qu’à lui procurer la jouissance paisible (et utile). Dès lors, le vendeur est tenu par une obligation « de ne pas faire ». Il doit s’abstenir de tout fait susceptible de troubler la jouissance de l’acheteur. Mais quels types de troubles peuvent tomber dans le champ d’application de la garantie ? Les troubles de fait Le trouble de fait est défini comme étant tout acte que le vendeur accomplit et qui ne réside pas dans la prétention juridique d’un droit sur la chose faisant l’objet du contrat et qui troublerait la jouissance paisible de l’acheteur. Il s’agit par conséquent, d’une des deux formes d’éviction (avec les troubles de droit v.infra). Par exemple : constitue un trouble de fait, le fait que le vendeur continue à circuler sur la propriété qu’il vient de vendre et ce, sans l’accord de l’acheteur. Il en est de même si le vendeur est le voisin direct de son acheteur et qu’il émet des nuisances sonores excessives non-prévues par le contrat. Dans ce dernier cas, il s’agit aussi bien d’un trouble de voisinage que d’un trouble de fait susceptible de faire jouer la garantie d’éviction. Enfin, en cas de vente d’un fonds de commerce, une clause de non-concurrence implicite oblige le vendeur à ne pas concurrencer le vendeur. S’il décide tout de même de s’implanter dans la même zone géographique, pour une durée plus ou moins longue et qu’il s’agit d’une activité similaire,