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Droit des biens

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La prescription acquisitive : régime juridique, possession et délais

Notions et définitions La prescription acquisitive en Belgique En Belgique, la prescription acquisitive, ou usucapion, est le mode originaire d’acquisition de la propriété d’un bien ou d’un droit réel d’usage, par une possession prolongée durant un certain temps. Il s’agit de la définition donnée par l’article 3.26, alinéa 1er du code civil. Par exemple : si une personne a occupé un terrain (bien immeuble par nature) qui n’était pas le sien, pendant au moins 10 ans, celui-ci peut devenir propriétaire si certaines conditions relatives à la possession sont respectées (v. infra). Les deux formes de prescription au sens strict Comme le définit le dictionnaire Larousse, la prescription décrit un délai prévu par la loi à l’expiration duquel soit une action judiciaire ne peut plus être exercée, soit une situation de droit ou de fait est acquise.  Au travers de cette définition, on constate qu’il existe deux formes de prescription : la prescription acquisitive est la prescription extinctive. D’une part et comme décrit ci-dessus, la première a pour effet de faire acquérir un droit réel par une possession continue. D’autre part, la seconde fait perdre un droit au titulaire de celui-ci s’il ne l’exerce pas dans les délais légaux.  Par exemple : une créance non-réclamée au débiteur durant un délai de 10 ans, perd son caractère exigible par l’effet de la prescription extinctive. La créance continue alors à exister en elle-même (elle ne s’éteint pas) mais le créancier ne peut plus en exiger l’application. Conformément à l’article 5.2 du code civil, l’obligation (la créance) se transforme alors en obligation naturelle. Par conséquent, une obligation naturelle est une obligation qui a perdu son caractère exigible. Elle redevient néanmoins exigible dans le cas où le débiteur s’exécuterait volontairement ou reconnaitrait l’existence de la créance.  Il existe différents délais de prescription extinctive mais ceux-ci ne seront pas analysés dans cet article. L’objet de la prescription acquisitive La prescription porte obligatoirement sur un bien ou sur un droit réel d’usage. C’est ce qui ressort de l’article 3.26 du code. Mais quelle peut être la nature de ceux-ci ? D’un côté, il peut s’agir d’un bien. Cette notion renvoie en réalité à la notion de droit de propriété en tant que droit réel. C’est en tout cas la nature du titre qui peut être revendiqué par voie de prescription. Le bien peut être soit meuble ou immeuble, corporel ou incorporel.  Par exemple : une voiture, un terrain, une maison, une créance, un brevet, un droit d’auteur, etc. D’un autre côté, il peut s’agit d’un droit réel d’usage. Quels sont-ils ? L’article 3.3 du code civil énonce le principe du système fermé des droits réels (contrairement aux droits personnels). Ceci signifie qu’il existe uniquement les droits réels qui sont prévus par le code lui-même. Pour rappel, on distingue les droits réels d’usage et les droits réels « sûretés réelles ».  Les premiers sont, de manière exhaustive, les suivants : les servitudes, le droit d’usufruit, le droit d’emphytéose et le droit de superficie. Ce sont donc ces derniers qui sont concernés par la prescription acquisitive. La possession Notion Comme mentionné en introduction, la prescription acquisitive suppose une possession prolongée de la part de celui qui se prévaut de ce mode d’acquisition. Mais qu’est-ce donc la possession ? L’article 3.18, alinéa 1 du code civil définit la possession comme étant « l’exercice de fait d’un droit, comme si l’on en était titulaire, soit par soi-même, soit par l’intermédiaire d’un tiers ». La possession correspond donc à une situation de fait (et non de droit) mais pouvant provoquer des conséquences juridiques (la prescription acquisitive par exemple). Il faut donc bien distinguer la titularité d’un droit qui correspond à une situation de droit, et la possession qui est une situation purement factuelle distincte du titre de propriété de la chose faisant l’objet de cet état.  Par exemple : A est titulaire d’un droit de propriété sur la nouvelle voiture qu’il a acheté. Cependant, en allant faire ses courses, B lui vole celle-ci et l’utilise. Bien que A soit propriétaire, B est possesseur de la voiture. B utilise ce bien comme s’il était titulaire mais sans l’être réellement. Les éléments constitutifs de la possession Bien que le code civil n’explicite pas ces conditions, le droit romain prévoyait qu’il en existe tout de même deux. Notre droit civil positif étant fondé sur ce droit ancien, nous pouvons considérer que ces dernières sont toujours applicables. De plus, ces conditions permettent de distinguer la possession de la détention (v. infra), d’où l’importance de les mentionner. Ces deux éléments sont les suivants : Distinction entre la détention et la possession La détention est également une situation de fait mais par laquelle le détenteur ne dispose que du corpus. L’animus manque donc. Il n’a pas l’intention de se comporter comme le véritable propriétaire du bien. Imaginons la situation suivante : un ami vient chez vous et oublie son portefeuille. Vous avez l’intention de le garder pour vous et donc de lui voler (ce qui est non seulement pas sympa mais également pénalement répréhensible). Dans ce cas, il s’agit d’une possession. Par contre, si vous gardez son portefeuille pour lui rendre quelques jours plus tard, il s’agit d’une détention. Mais quel est l’intérêt de procéder à la distinction entre les deux concernant la prescription acquisitive ? L’article 3.26 subordonne l’acquisition d’un droit par voie de prescription à l’exercice d’une possession continue. Dès lors, si le véritable titulaire du droit s’oppose à la prescription que l’on invoque à son encontre en justice, il peut éventuellement contester la possession en prouvant que le possesseur ne se comportait pas comme le véritable titulaire du droit de propriété.  Cet état de fait peut être prouvé par toutes voies de droit, s’agissant d’un fait et conformément à l’article 8.8 du code civil.  Par exemple, un message par lequel l’on s’est engagé à rendre le portefeuille de notre ami peut être amené devant le juge et aura pour effet de transformer la possession en détention, privant par la même occasion le requérant de la possibilité d’acquérir un droit de propriété sur celui-ci via la prescription acquisitive. La présomption de possession L’article 3.18 alinéa 2 établit une présomption légale de possession importante

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L’emphytéose : régime juridique belge

Définition, origines et caractéristiques de l’emphytéose Notion L’emphytéose est définie en Belgique comme étant le droit réel de jouissance temporaire par l’emphytéote, consenti par le propriétaire (appelé bailleur emphytéotique, tréfoncier ou nu-propriétaire) en contrepartie d’un canon.  Le canon correspond à une somme d’argent versée annuellement au bailleur emphytéotique en reconnaissance de son droit de propriété. Il s’agit donc d’une redevance annuelle. De plus, il est à noter que l’emphytéose ne peut porter que sur des immeubles ! Il n’est donc pas possible de constituer un droit d’emphytéose sur une caravane, un abri de jardin ou autre meuble du même type. Cependant, tant les immeubles corporels que les immeubles incorporels sont visés par ce droit. On vise par-là essentiellement les autres droits réels lorsqu’ils portent sur un immeuble tels que l’usufruit ou la superficie. L’emphytéose dans le code civil C’est l’article 3.167 du code civil qui a remplacé et abrogé l’article 1er de la loi du 10 janvier 1824 en rafraichissant par la même occasion cette institution. L’article énonce que « le droit d’emphytéose est un droit réel d’usage conférant un plein usage et une pleine jouissance d’un immeuble par nature ou par incorporation appartenant à autrui ». Cette définition n’est pas substantiellement différente de celle mentionnée ci-dessus mais a pour différence principale de ne plus mentionner le terme « canon » qui a toujours existé jusqu’à l’introduction de cet article. Des origines romaines Ce sont les romains qui ont mis en place ce concept pour la première fois ! Tout comme beaucoup d’autres institutions de droit civil. Ils voulaient en effet, que les territoires conquis ne restent pas à l’abandon et puissent être exploités par des agriculteurs en attendant qu’on les affecte au pouvoir. C’est de cette manière, que les fermiers eurent le droit d’exploiter les terres moyennant le paiement d’une somme dérisoire au commencement, le canon. Une faible somme en raison de la première exploitation de ces terres à un usage agricole. Exemple pratique du droit d’emphytéose Imaginons que Pierre hérite d’un château datant de la renaissance et du domaine familial. Le bâtiment tombe en ruine et n’est plus habité depuis des décennies. Malheureusement, le rénover lui coûterait bien trop cher. Cependant, il contacte la commune dans laquelle se trouve le bien. Il décide de lui octroyer un droit d’emphytéose de cinquante ans en contrepartie pour elle de le rénover afin de pouvoir l’affecter à des fins touristiques et de faire connaitre le patrimoine de la commune. A la fin du délai de cinquante ans, Pierre recouvrera l’entière propriété de son bien rénové, sans dépenser un sou.  Distinction avec d’autres institutions Le contrat de bail Il faut se garder de confondre le droit d’emphytéose avec le contrat de bail, et ce malgré la qualification impropre de « bail emphytéotique ». Tous deux sont pourtant des droits de jouissance, puisqu’il est question de l’usage d’une chose, mais ils différent fondamentalement. En effet, le contrat de bail fait naitre des droits (obligations) personnels entre les cocontractants. Le caractère personnel, découlant d’un contrat, signifie que ces liens de droit sont des liens entre deux (ou plusieurs) personnes qui permettent de contraindre l’autre à exécuter ses obligations. L’emphytéose quant à elle, est un droit réel qui est intimement lié à la chose qui en fait l’objet. Ceci reste le cas quand bien même l’emphytéose naitrait d’un contrat ! Le caractère personnel ou réel d’un droit peut paraître dénué de tout sens pratique à première vue. Cependant, des différences importantes sont à énumérer : les actions en justice, la prescription, les modes d’extinction, les conditions de validités, etc. opposent les deux types de droit. Puisque le bail et l’emphytéose ne couvrent pas les mêmes notions, la loi de 1951 sur le bail commercial ne s’applique pas au second ! Le droit d’usufruit L’usufruit est également un droit réel d’usage, tout comme l’emphytéose. Mais ils diffèrent principalement sur l’étendue de cette jouissance. D’une part, l’usufruitier ne peut pas en principe, ériger de constructions ou de plantations de même qu’il ne peut effectuer de lourdes transformations ou réparations. S’il le fait, il devra indemniser (souvent fortement) le nu-propriétaire à la fin de son droit. D’autre part, l’emphytéote a quant à lui des droits biens plus étendus. Il peut exploiter le fond et les bâtiments qui y sont érigés. Il peut même ériger lui-même des constructions sans demander l’accord du tréfoncier.  Le droit de superficie Ce droit est défini comme étant un droit réel d’usage par lequel le superficiaire a des bâtiments, ouvrages ou des plantations sur un fonds appartenant à autrui, le tréfoncier. Il octroie le droit au superficiaire de construire sur le fond (tout comme l’emphytéose). Quelles différences dans ce cas ? La première différence historique avec l’emphytéose qui nécessite le paiement d’une redevance annuelle (le canon) en reconnaissance du droit de propriété du tréfoncier, la superficie n’est pas forcément établie à titre onéreux. Cependant, depuis la dernière réforme du code civil et l’introduction du livre 3, le canon n’est plus indispensable et l’emphytéote peut en être dispensé conformément à l’article 3.167. Ceci réduit les différences entre la superficie et l’emphytéose.  Deuxièmement, la durée du droit de superficie ne peut excéder cinquante ans alors que (nous le verrons plus tard) le droit d’emphytéose doit être compris entre 27 et 99 ans. Soit presque le double pour la durée maximale. Étendue de la jouissance par l’emphytéote On le sait, lorsqu’on est propriétaire on dispose de l’usus, du fructus et de l’abusus. Soit, du pouvoir de jouir de la chose, d’obtenir ses fruits et de disposer de celle-ci. Mais qu’en est-il de l’emphytéote qui est détenteur d’un droit de propriété « démembré » ? Il dispose d’un usus très étendu contrairement aux autres droits réels d’usage, l’usufruit et la superficie (voir ci-dessus). C’est par contre, le tréfoncier qui dispose de l’abusus en tant que propriétaire de la chose. Il dispose donc encore entièrement de son bien du seul fait du droit dont il est investi. Le fructus quant à lui, revient à l’emphytéote.  Durée du droit d’emphytéose Une durée minimale et une durée maximale Ce droit réel se distingue des autres par l’introduction d’une durée

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L’usufruit : c’est quoi ?

Caractéristiques générales de l’usufruit Définitions L’usufruit est un droit réel d’usage qui « confère à son titulaire le droit temporaire à l’usage et à la jouissance, de manière prudente et raisonnable, d’un bien appartenant au nu-propriétaire, conformément à la destination de ce bien et avec l’obligation de restituer celui-ci à la fin de son droit ». Voici la définition donnée par l’article 3.138 du nouveau code civil belge. Plus grossièrement dit, il s’agit d’un démembrement du droit de propriété par lequel le propriétaire devient « nu-propriétaire » et celui qui use de la chose l’ « usufruitier ». Un droit réel est un droit dont le lien juridique existe entre une personne et une chose. Ils sont en nombre limité, à l’inverse des droits personnels qui existent en quantité illimitée. Les droits réels sont donc : le droit de propriété, d’usufruit, d’emphytéose, de superficie, d’usage, d’habitation, de gage et d’hypothèque. Exemple Il est parfois difficile de s’imaginer ce qu’est l’usufruit, c’est pourquoi je vais illustrer cette notion au travers d’un exemple relativement fréquent. Lorsque deux personnes sont mariées en Belgique et que l’une d’entre elles décède, le conjoint survivant hérite de la totalité des biens communs en pleine propriété et des biens communs en usufruit. Pour mieux comprendre, il faut s’imaginer que sous le régime de la communauté légale (sans contrat de mariage), il existe trois patrimoines : deux patrimoines propres et le patrimoine commun.  Le patrimoine commun est celui dont le conjoint survivant hérite en totalité. Alors que ce qui appartenait exclusivement au conjoint décédé (par exemple une succession ou un achat antérieur au mariage) revient en usufruit au survivant. Concrètement, cela signifie que ce dernier pourra jouir de la chose jusqu’à son propre décès. Durant cette période de temps, les enfants (s’il y en a) deviennent « nu-propriétaires ». Ils ne disposent plus que de l’abusus sur la chose (voir différence entre usus, fructus et abusus). Notre exemple est un cas d’école d’usufruit « légal », c’est-à-dire créé par la loi. Il n’est donc pas créé ni par contrat, ni par jugement. Distinction avec le contrat de bail Énormément de gens confondent l’usufruit avec le contrat de bail. Pourtant, il s’agit de deux institutions juridiques totalement différentes ! Le premier est un droit « réel » : c’est-à-dire qu’il s’agit d’un droit intimement lié à une chose. Le second est un droit dit « personnel » : il existe en considération première de la personne pour qui il est conclu et est la matière de prédilection des contrats.  Le contrat de bail est certes également un droit de jouissance, tout comme l’usufruit, mais ce droit de jouissance ne peut naitre que d’un contrat. L’usufruit quant à lui, peut naitre d’un contrat mais également via d’autres moyens. Il peut en effet, aussi naitre de la loi ou d’un jugement, ce qui n’est pas permis pour le bail. De plus, au-delà de toutes ces considérations théoriques, les deux institutions répondent à des régimes juridiques différents. La durée, les modes d’extinction, les recours et bien d’autres caractéristiques différencient les deux. Pour conclure sur les modes d’extinction, on peut notamment mentionner qu’en règle le contrat de bail ne prend pas fin par la mort du preneur (ni celle du bailleur) contrairement à l’usufruit (voir infra). Eléments constitutifs de l’usufruit Il ne peut y avoir d’usufruit que si le droit en cause : confère un droit de jouissance, porte sur un bien appartenant à autrui, est temporaire et permet la restitution du bien à la fin. Objet de l’usufruit L’usufruit peut avoir pour objet toutes sortes de biens. Ceux-ci peuvent être meuble ou immeuble, corporel ou incorporel. S’il peut porter sur un bien incorporel, cela signifie qu’on peut grever d’usufruit un droit tel qu’un brevet par exemple.  Il existe ce qu’on appelle le « quasi-usufruit » qui porte sur des biens consomptibles. L’article 3.148 du code civil reprend en effet, cette forme spéciale d’usufruit. Pour rappel, les biens consomptibles disparaissent et sont détruites par la consommation qu’on en a. Il peut s’agir par exemple d’une pomme. Durée de l’usufruit Principe L’usufruit peut être soit à durée déterminée, soit à durée indéterminée. C’est le premier alinéa de l’article 3.141 qui prévoit cette possibilité. Cependant, l’alinéa suivant apporte deux tempéraments importants. Durée maximale L’usufruit ne peut avoir une durée supérieure à 99 ans, à moins que la personne pour qui il est établi vit plus longtemps. La disposition précitée vise en réalité à établir une limite calquée sur le nombre d’années de vie potentielles à l’heure actuelle, sans pour autant mettre fin au droit à une personne qui vivrait plus longtemps. Il en résulte que lorsqu’il est établi au profit d’une personne physique, ce droit reste viager. S’il est établi au profit d’une personne morale, il s’éteindra au bout de 99 ans si celui-ci a une durée indéterminée ou s’il est convenu une durée supérieure. Durée viagère L’article prévoit également que la mort de l’usufruitier met fin au droit d’usufruit.  Prolongation Si l’usufruit a été constitué par contrat, il peut être prorogé sans que sa durée ne puisse être supérieure à celle de 99 ans.  Droits et obligations des parties Disclaimer On parle régulièrement de « droits et obligations des parties » en matière contractuelle, cependant l’expression est ici également utilisée. Il ne faut pourtant pas confondre les droits réels et les droits personnels comme vus plus tôt. Droits de l’usufruitier Grever ou aliéner L’article 3.142 du code énumère successivement les droits de l’usufruitier. Celui-ci peut user de la chose, aliéner son droit d’usufruit, constituer sur celui-ci un usufruit, le mettre en gage ou l’hypothéquer, selon qu’il soit mobilier ou immobilier. L’usufruitier peut également grever le bien de droits (comme consentir un contrat de bail).  Il faut donc considérer l’usufruit comme étant un bien du patrimoine de l’usufruitier qui peut disposer de ce bien incorporel dans les limites de cet article. Actes de conservation ou de disposition L’usufruitier a le droit (tout comme le nu-propriétaire) de poser des actes de conservation et d’administration provisoire.  Droit aux fruits L’article 3.146 du code civil permet à l’usufruitier de jouir des fruits du bien durant la durée de l’usufruit. Il s’agit de tout ce

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