Notions
Définition de l’action directe
L’action directe est le mécanisme par lequel la loi accorde le droit de demander en son nom et pour son compte l’exécution d’une prestation du débiteur de son débiteur (le sous-débiteur), à concurrence de ce dont celui-ci est redevable à l’égard de son créancier.
La définition générale de l’action directe se retrouve actuellement à l’article 5.110 du nouveau code civil.
L’action directe a pour objectif de pallier à l’absence d’exécution de l’obligation du débiteur d’un créancier. En effet, on permet au créancier d’aller chercher directement le montant de la dette de son débiteur, dans le patrimoine du débiteur de ce dernier.
Exemple d’action directe : un entrepreneur B exécute des travaux de rénovation du bien immobilier du maître d’ouvrage A. Afin de poser les nouvelles fenêtres, B sous-traite l’opération à C. Cependant, l’entrepreneur B ne paye pas le sous-traitant C qui réclame le montant de sa créance de 5.000€. Puisque le maître d’ouvrage A doit 20.000€ à B, la loi permet à C de réclamer le paiement des 5.000€ directement à A, alors même qu’aucune relation contractuelle n’existe entre les deux.
Dérogation au principe de la relativité
Le créancier qui met en œuvre ce droit, profite donc du contrat d’autrui par l’effet de la loi tout en restant tiers à ce dernier. C’est en cela que ce mécanisme déroge au principe de la relativité des effets internes des conventions. Il s’agit d’une possibilité pour ce dernier, de récupérer la dette que son propre débiteur ne veut, ou ne peut payer, entre les mains de son propre débiteur.
Les cas d’application de l’action directe dans le code civil
Seulement deux actions directes sont prévues dans le code civil et sont toutes deux imparfaites (v. infra):
- Dans le mandat substitué : lorsqu’un mandataire se substitue quelqu’un d’autre pour représenter le mandant (par contrat), le mandant dispose d’une action directe à l’encontre du mandataire substitué. – article 1994 anc. c.civ.
- Dans le contrat d‘entreprise : lorsqu’un entrepreneur se substitue quelqu’un dans l’exécution de sa prestation (contrat de sous-traitance), le sous-traitant dispose d’une action directe à l’égard du maître d’ouvrage pour recouvrer sa créance. – article 1798 anc. c.civ.
Une certaine doctrine estime que l’article 1753 de l’ancien code civil constituerait une action directe en faveur du bailleur contre le sous-locataire. Cependant, cette question n’est actuellement pas tranchée et rien ne permet d’affirmer que tel est le cas.
Selon nous, il convient de ne pas considérer cet article comme instituant une telle action directe en faveur du bailleur. Il ne s’agirait que d’un moyen permettant à ce dernier de pouvoir se servir sur les biens du sous-locataire en cas de concours dans le chef du locataire.
L’objectif est donc de déroger à la règle selon laquelle le bailleur ne peut se servir sur les biens des tiers entrés dans les lieux loués que lorsqu’il n’avait pas connaissance du fait qu’ils appartiennent à un tiers. Cette condition de bonne foi devant être appréciée au moment de l’entrée du bien dans les lieux loués.
Les cas d’application de l’action directe hors du code civil
Le droit des assurances est le terrain d’élection des actions directes. En outre, celles-ci sont généralement des actions directes parfaites. Pour n’en citer qu’une :
- En matière d’accidents de circulation : une action directe prévue à l’encontre de l’assureur de l’auteur responsable de l’accident (l’accidenté agit donc directement contre l’assureur, en vertu d’un droit propre qu’il tire de la loi du 21 novembre 1989).
Conditions relatives à l’exercice de l’action directe
L’action directe n’est possible que moyennant la réunion de plusieurs conditions limitativement énumérées :
- Une action directe doit émaner de la loi. Seule une disposition légale peut créer une action directe.
Exemple : l’action directe du sous-traitant contre le maître d’ouvrage dans le contrat d’entreprise (article 1794 de l’ancien code civil).
Exemple : l’action directe du mandant contre le mandataire substitué dans le contrat de mandat (article 1994 de l’ancien code civil).
Il n’existe dès lors pas de théorie générale de l’action directe, telle qu’elle existe pour l’action oblique, permettant à tout créancier impayé d’aller chercher le montant de sa créance entre les mains du sous-débiteur. Un texte de loi doit prévoir son application à une relation juridique prédéterminée !
- Il doit exister une créance certaine et exigible entre le titulaire de l’action directe et le débiteur-intermédiaire.
Le caractère certain de la créance signifie qu’elle doit être suffisamment déterminée ou déterminable. Le caractère exigible signifie quant à lui que la créance ne doit pas être affectée d’une condition ou d’un terme suspensif.
Conséquence de la condition de l’existence de la créance :
– En cas de disparition ou de prescription de cette créance, il n’y a plus d’action directe.
Par exemple : la créance du sous-traitant C envers son débiteur B (l’entrepreneur) est prescrite ou B a déjà payé C, de sorte que la créance n’existe plus. Il en est de même en cas de caducité, nullité, de résolution, résiliation bilatérale, etc. ou de toute autre extinction de l’obligation.
– Le créancier ne peut jamais réclamer un montant supérieur à celui de sa propre créance.
Par exemple : C ne pourra pas réclamer plus que 5.000€ au maître d’ouvrage A.
– Cette créance est désignée comme étant la « créance cause ».
- Il doit exister une créance entre le débiteur-intermédiaire et le sous-débiteur.
La créance peut être de nature contractuelle, extracontractuelle ou de toute autre nature. Une dette doit toutefois exister entre les deux protagonistes. Il s’agit en l’occurrence de ce qu’on appelle la « créance assiette ». De plus, un lien doit exister avec la créance cause.
- Il doit exister un lien de connexité entre ces deux créances
Par exemple : pour la sous-traitance, celle-ci porte sur une partie des travaux qui doivent être réalisés dans le contrat principal).
Les catégories d’actions directes
Les actions directes parfaites
Le créancier dispose d’un droit personnel et qui lui est propre. Il ne reprend donc pas l’action de son débiteur pour l’exercer contre le sous-débiteur (bien que le créancier récupère sa créance de la même manière que pour les actions directes imparfaites). Le créancier ne pourra par contre, pas reprendre les exceptions et sûretés (gage, hypothèque, cautionnement, etc.) que son débiteur pouvait faire valoir à l’encontre du sien puisqu’il s’agit d’un nouveau droit propre au créancier. De même, le sous-débiteur ne pourra pas faire valoir d’exceptions propres à son contrat.
Les actions directes imparfaites
Le créancier reprend le droit de son débiteur-intermédiaire pour l’exercer à l’encontre du sous-débiteur. Elles sont les plus courantes en pratique. Le sous-débiteur peut faire valoir toutes les exceptions nées de son contrat mais également celles du contrat entre le créancier et le débiteur-intermédiaire à l’encontre du titulaire de l’action.
Les effets de l’action directe
Effet translatif de créance
Le tiers au contrat prend possession de la créance de son débiteur contre le débiteur de ce dernier.
Simplification des procédures
Puisqu’il exerce directement ses droits, il peut obtenir la condamnation du sous-débiteur de manière directe.
Elle confère un effet de préférence au titulaire de l’action
Le produit de la dette concernée ne doit pas transiter par le patrimoine du débiteur-intermédiaire (contrairement à l’action oblique), ce qui permet au créancier d’échapper à la loi du concours des autres créanciers du débiteur -intermédiaire.
Elle permet l’opposabilité des exceptions
C’est le cas pour les actions directes imparfaites à l’exclusion des actions directes parfaites.
D’une part, le créancier peut opposer au sous-débiteur, les exceptions nées de son contrat, de même que celles nées du contrat de son propre débiteur.
D’autre part, le sous-débiteur peut opposer au créancier les exceptions nées de son contrat, de même que celles nées du contrat entre le créancier et le débiteur-intermédiaire.
Mise en oeuvre de l’action directe
Formalités nécessaires
Aucune formalité particulière n’est requise, de même qu’aucune action en justice également. Il s’agit en effet d’une action extrajudiciaire.
La doctrine et la jurisprudence enseignent qu’il faut seulement que le titulaire de l’action porte à la connaissance du sous-débiteur son intention de mettre en œuvre son action. Cette notification peut se faire par simple envoi recommandé !
Impossibilité d’agir après naissance du concours
Lorsque le débiteur intermédiaire tombe en situation de concours (faillite, règlement collectif de dette, etc.), il n’est plus possible pour le détenteur de l’action directe d’agir à l’encontre du sous-débiteur. En effet, l’action est alors paralysée et il ne reste plus qu’à invoquer un éventuel privilège (si la loi le prévoit) pour le créancier.
Par exemple : si B, l’entrepreneur, tombe en faillite, il n’est plus possible pour C, le sous-traitant d’agir à l’encontre de A, le maître d’ouvrage en actionnant l’action directe. Cependant, le sous-traitant pourra toujours faire valoir son privilège légal dans le cadre de la faillite et donc primer les créanciers de rang inférieur.
Différences entre action directe et action oblique
L’action directe et l’action oblique peuvent se ressembler à certains égards mais se distinguent principalement quant à leurs effets et au fondement légal de l’action requis pour l’action directe dans chaque situation. Le créancier dispose également d’un droit propre à l’obtention de la créance dans le cadre de l’action directe.
Pour commencer, l’action oblique a le même objectif que l’action directe : se faire payer sur la dette du sous-débiteur. Cependant, l’action directe se différencie de l’action oblique en ce que la créance-assiette ne transite pas par le patrimoine du débiteur intermédiaire dans le premier cas à l’inverse du second. Ceci implique que les autres créanciers du débiteur intermédiaire, ne peuvent se servir sur la dette au même titre que le détenteur de l’action directe puisque celle-ci retourne directement dans son patrimoine.
Par exemple : si le sous-traitant C intente l’action directe contre le maitre d’ouvrage A, le montant de la dette ne transitera pas par le patrimoine de l’entrepreneur B avant de rentrer dans le patrimoine de C. Ceci implique que les autres créanciers impayés de B, ne pourront se faire payer dessus via une saisie ou toute autre forme d’exécution forcée.
Par contre, si C décidait d’agir via l’action oblique contre A, le montant de la dette réclamée transiterait du patrimoine de A à celui de B avant de retourner seulement dans celui de C. Ceci impliquant que les créanciers impayés de B peuvent se servir également sur le montant de la dette, en fonction de leur rang (privilèges, etc.).
Enfin, l’action directe se distingue encore de l’action oblique quant au fondement légal requis comme mentionné ci-dessus. En effet, l’action directe nécessite toujours une consécration légale pour chaque cas d’application (v.supra sous-traitant et mandant). L’action oblique quant à elle peut être intentée chaque fois qu’un créancier impayé veut récupérer le montant de sa créance entre les mains du sous-débiteur.
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